Sociétés Matriarcales – Passé et présent. Et futur ?

D’après une présentation (en anglais) de Barbara Pade-Theisen,
lors du Camp méditerranéen de Jineolojî, célébré à Bilbao en Avril 2018

Les éléments que je vais évoquer avec vous m’ont été enseignés avec la philosophe Heide Goettner-Abendroth, fondatrice de la nouvelle science « la Recherche Matriarcale Moderne », une femme brillante pour laquelle j’ai beaucoup d’estime.

Pourquoi elle et nous, ses étudiantes, nous utilisons le terme « Matriarcat »? Matri signifie les Mères. Et le premier sens du mot grec Arché est début, origine, ordre, principe. Alors Archéologie est « la science des origines » (de l’histoire culturelle humaine).

Archaïque signifie: ancien, qui vient des premiers temps.

Archétype signifie le type originel, Original. Heide Goettner-Abendroth utilise le terme Matriarcat dans le sens de « À l’origine les Mères » . Personnellement j’aime l’appeler : « L’ordre des Mères » ou le « principe maternel ».

Le deuxième sens qui est apparu plus tard du mot arché est : norme, normative, domination. Cette signification, développée postérieurement dans l’histoire, est apparue quand les premières structures sociales patriarcales se sont établies et quand la domination a émergé dans le monde, plus particulièrement la domination des hommes sur les femmes.

Les nouveaux dirigeants ont essayé de se légitimer en revendiquant le patri arché « à l’origine de la vie il y a les pères / hommes » (pas les mères). Mais arché a pris le sens de norme, règle. Alors, c’est plutôt judicieux de nommer le patriarcat comme la domination des pères/hommes. On trouve aussi ce sens plus tardif de arché dans des termes comme :

oligarchie= le contrôle, pouvoir, gouvernement de quelques uns.

anarchie= l’absence de gouvernement, de domination, de régence.

Pour résumer: j’utilise le mot matriarcat dans le sens de : au Début les Mères, Ordre des Mères, principe maternel.

En aucune façon il n’est question de « domination » des mères/femmes (sur les hommes), puisque l’une des caractéristiques parmi les plus remarquables des matriarcats réside dans la valeur de paix, comprise comme absence de domination, de violence et de guerre. Tout leur système de valeurs se construit fondamentalement en opposant les idées de l’existence sociale humaine aux idées défendues dans les sociétés patriarcales. Rappelez-vous! Je ne parle pas d’opposer les hommes contre les femmes, mais des différents modèles de société. Cela veut dire d’un coté, des sociétés d’hommes et de femmes matriarcales et, de l’autre, des sociétés d’hommes et de femmes patriarcales.

Maintenant la question est de se demander quelles sont les différences qui caractérisent les sociétés matriarcales? Pourquoi c’est important pour nous de les connaître? Comment s’organisent-elles?

Heide Goettner-Abendroth a consacré dix années de sa recherche à développer une définition scientifique claire des Matriarcats. Un point central est le niveau social, économique, politique et culturel-spirituel profond de leur structure.

Des milliers d’artefacts montrent un niveau culturel très élevé, bien qu’il n’y ait pas encore d’écriture. Alors pour élucider comment ces personnes pensaient, sentaient et s’organisaient, elle a étudié les preuves ethnologiques et anthropologiques des sociétés matriarcales qui existent encore aujourd’hui. Elle en tire les conclusions de sa théorie du matriarcat, résumées par les définitions suivantes :

  1. Au niveau social, dans les matriarcats, les gens vivent ensemble dans des groupes de parenté (marenté) en accord avec la descendance matrilinéaire.Cette identification par la descendance depuis la lignée de la mère est désignée en ethnologie avec le terme de Matrilinéalité.

Un clan de ce type basé sur des relations de lignée qui descendent de la même grand-mère ou arrière grand-mère, pourrait par exemple consister en 3 générations de femmes -la grand-mère (matriarcat)- souvent considérée comme la leader du clan-, ses filles et les filles de ses filles- et la génération correspondante des hommes de la même parenté = les frères de la grand-mère, ses fils et petits-fils.

Sur ce point en Occident on se demande avec une certaine anxiété : où est le père ?

Eh bien, dans les sociétés matriarcales traditionnelles l’amant choisi par la femme d’un clan (c’est une élection féminine) vit dans son propre clan maternel, et il lui rend visite seulement la nuit. Ce phénomène fils et filles qui restent toute leur vie dans le foyer du clan maternelle- est appelé Matrilocalité.

Dans d’autres matriarcats tardifs, il était accepté qu’il vive avec la femme dans le foyer de son clan en tant qu’invité pendant le temps que durait leur amour et tout le temps qu’il montre du respect pour tous les membres du clan. Si la relation érotique se terminait, il retournait dans son clan maternel.

Il y a égalité entre tous les membres du clan. Les décisions sont prises par consensus. La matriarche organise le fonctionnement du clan, mais elle ne donne pas d’ordres, elle n’a l’intention de ne forcer personne.

Pour résumer, Heide Goettner-Abendroth appelle matriarcats au niveau social des sociétés horizontales, non hiérarchiques et basées sur la parenté matrilinéaire (marenté).

Tout ceci signifie : Au revoir aux petites familles père-mère-enfants. Et dans les peu de matriarcats traditionnels qui persistent encore, c’est encore : Au revoir le père. J’y reviendrai avec plus de détails ultérieurement.

  1. Au niveau économique, les matriarcats se fondent sur l’économie de subsistance, par le passé,surtout sur l’agriculture. On ne connaissait pas la propriété privée, il y avait seulement des droits d’usage du sol.

Le plus important est que la matriarche et les autres femmes du clan avaient le pouvoir de disposition sur les maisons et les terres du clan et sur la distribution de la nourriture. Elles prenaient soin de distribuer équitablement les ressources selon les besoins de tous les membres du clan. Dans le village et au niveau régional, les peuples matriarcaux avaient conscience que tous les clans devaient avoir ce dont ils avaient besoin pour vivre, personne ne cumulait de richesse. Par exemple, si un clan avait abondance de cultures, les membres de ce clan avaient la possibilité d’organiser une fête pour tout le village, pour nourrir tout le monde et leur faire des dons. Ceci prévenait le développement des inégalités économiques entre les clans. Le clan qui invitait avait la garantie de recevoir tous les honneurs en échange. HGA appelle les matriarcats du point de vue économique : Sociétés de l’économie réciproque et de l’économie du don.

  1. Au niveau politique, les matriarcats suivent le principe du consensus. Dans les assemblées du clan, quand on a besoin de prendre une décision, tous les membres sont entendus, on échange des arguments en cercle jusqu’à l’unanimité. Pour les décisions qui vont au-delà du clan, supposons qu’on doit prendre la décision de construire ou pas un pont dans la région, on procédera de la façon suivante : après que les clans d’un même village aient pris une décision, on choisit une personne déléguée de chaque clan pour présenter cette décision au conseil du village, où les déléguées des clans essaieront d’arriver à un consensus. Le même procédé se fera au niveau suivant, le conseil régional formé par les déléguées des différents villages. Attention ! Les personnes déléguées ne prennent pas de décisions, elles communiquent les décisions du clan et du village au conseil régional et rapporte les résultats du consensus de retour au village ou dans son clan. S’il n’y a pas pu y avoir de consensus au niveau supérieur le processus recommence. De cette façon la politique régionale et locale est fondée sur les besoins des personnes des foyers-clans dans le sens d’une véritable démocratie de base.

Par conséquent, quant à la politique, dit HGA, les matriarcats sont des Sociétés Egalitaires de Consensus. Leurs personnes déléguées à la différence des nos politiciens, sont des « porteuses d’information » et n’ont aucun pouvoir sur personne, n’ont pas de corps d’application (par exemple, la police) ni de formes d’accumulation de richesse injustifiées. Les états n’existaient pas dans les matriarcats traditionnels !

  1. Au niveau culturel, comment les société matriarcales conçoivent-elles la Cosmovision et la Spiritualité  ? Les matriarcats ne connaissent pas les religions sur la base d’un dieux hors de nous, distant, invisible et incompréhensible, dont on dit qu’il est omnipotent. Cependant, alors que les principes maternels de protection, nutrition, intégration et maintient de la paix imprègnent tous les niveaux, à ce niveau tout est « sauvage ». La divinité est immanente:

La Terre-Mère est divine/sacrée, elle est vue comme la Grande Mère qui créé tous les êtres vivants et les choses matérielles sur la terre, les humains, les animaux, les plantes, l’eau, les pierres…

L’Univers est divin, perçu comme la Grande Créatrice qui a créé le soleil, la lune, les étoiles, les planètes, parmi elles notre Terre-Mère. Elle nous prend dans ces bras (particulièrement le ciel de la nuit), elle est la créatrice du temps et de l’espace. Nous sommes toutes considérées comme ses fils et ses filles, touchées par une étincelle divine nous reconnaissant mutuellement comme des sœurs et des frères de cette Grande Mère.

Tout est célébré, la Mère Nature avec ses saisons et ses cycles de vie, les différents clans, peuples, genres et générations, chacun avec ses qualités spécifiques obéissant au principe : « La diversité est une richesse ». Toutes les activités de la vie quotidienne sont considérées sacrées (par exemple, la poterie, le textile, la préparation des aliments) et on leur donne un sens rituel. Les personnes ne doivent pas croire en quelque chose ni suivre un dogme, mais seulement regarder ce qu’elles voient.

HGA définit les matriarcats à ce niveau spirituel comme des Sociétés Sacrées et des cultures de la Divinité Féminine.

Voici une description approximative des structures organisatrices des sociétés matriarcales. Mais comme pour moi la question des relations sociales est d’une grande importance et d’un grand intérêt, et j’espère que pour vous aussi, j’aimerais, traiter une fois de plus des formes matriarcales de vie sociale plus en détail, avec l’espoir d’approfondir notre compréhension des différentes manières d’établir des relations. Je fais référence surtout aux matriarcats Mosuo des hautes montagnes du sud-est de la Chine.

Comme je vous l’ai déjà dit, dans les matriarcats les personnes ne vivaient pas dans des petites familles (« nucléaires »), des unités formées par un père, une mère et des enfants, mais leur unité sociale de base est le clan matriarcal. Et tous les membres du clan partagent la même origine et le même nom qui vient d’une ancêtre commune. Par principe ces peuples pratiquaient la matrilocalité : toutes les personnes du clan restaient toute leur vie dans le foyer de leur clan maternel.

Les relations érotiques ont lieu la nuit dans la chambre séparée de la femme qui se trouve dans la maison de son clan, où elle reçoit un homme par attraction et accords mutuels.

Les femmes scientifiques occidentales ont été émerveillées par l’harmonie, l’affection et le bien-être émotionnel expérimentés par les membres des clans. Voici quelques unes de leurs découvertes :

-La matriarche est élue par les membres du clan pour sa prudence, sa sagesse et sa compétence pour maintenir l’harmonie entre les personnes et pour prendre soin des affaires du clan. Elle porte le clan, mais ne le gouverne pas, même si parfois les autres membres lui donne une autorité spéciale et un traitement de respect particulier. En général cette autorité spéciale et ce respect particulier s’étend à toutes les personnes âgées du clan. Par conséquent, les jeunes n’ont pas craindre la vieillesse et ne doivent pas manquer de respect envers les personnes âgées comme c’est le cas dans nos sociétés patriarcales occidentales.

-Dans les matriarcats, la relation d’une mère avec ses filles et fils est considérée comme l’unité de base la plus importante de la vie sociale. Et le paradigme de l’amour dans ces sociétés est l’amour d’une mère pour ses filles et fils et vice et versa. Un sociologue chinois a dit par rapport au matriarcat Mosuo : « L’amour maternel est le noyau de leur humanité. Cet amour nourrit et façonne les bases matérielles et spirituelles de leur système matriarcal… Ce paradigme d’amour maternel crée de profonds sentiments d’intimité et de sécurité dans leurs groupes de parenté matrilinéaires et s’étend au-delà de tout le village et de toute la société ». En plus de cela, la relation entre mère et fille est d’une intimité spéciale, puisque la fille en tant que potentielle donneuse de vie peut garantir la continuité du clan. Les mères adorent parer leurs filles, et les filles avec leurs habits traditionnels ressemblent à des reines, voir plus d’après le dicton Mosuo : « Si les mères sont intelligentes, elles auront des filles semblables à des Déesses ».

-Dans les matriarcats, le paradigme de l’affect /la proximité entre une femme et un homme est la relation entre une sœur et son frère. (à voir nos contes de fées où les sœurs sauvent leurs frères). Frères et soeurs ont grandi ensemble et se sentent émotionnellement très proches l’une de l’autre et plus tard en tant qu’adultes les frères prennent un soin particulier des enfants de leurs sœurs  qui naissent dans le clan. Yan Ruxian, un scientifique chinois, a dit : « Ce sont des camarades inséparables pour la vie ». Et dans un DVD sur les hommes Mosuo, une femme dit sur son compagnon, qu’il et elle sont ensemble depuis de nombreuses années parce que : « il est comme un frère merveilleux ».

Seulement maintenant entre en jeu l’attraction/l’amour érotique entre un homme et une femme de clans différents. Cette relation est « libre » dans le sens propre du mot. Elle est maintenue pendant la durée de l’attraction/amour. Il n’y a pas d’obligations/charges pour la femme ou l’homme, puisque les deux amants ont une base économique dans leurs propres clans maternels. Un enfant né de la relation est toujours considéré en lien avec sa mère et faisant partie de son clan (cf.: mater semper certus est vs pater semper incertus est, pourquoi vivre dans l’incertitude ? Ce n’est pas nécessaire !) Ricardo Coler, un auteur argentin, provenant d’une culture machiste, voit clairement les avantages de ce type de relation. Il commente : « Une femme chez les Mosuo n’attend pas que son amant tiennent des dialogues profonds avec elle, c’est-à-dire des dialogues qu’elle a avec ses amies… Elle n’attend pas que son amant la comprenne, alors que les femmes de mon pays ont cette expectative, qui n’a pas lieu des milliers des fois ».

Les personnes Mosuo sont tranquilles et heureuses en lien avec les accords et les pactes de leur vie amoureuse et érotique, ne connaissant pas le concept patriarcal de l’amour romantique éternel entre un homme et une femme, qui devra apporter satisfaction à tous leurs désirs et sera considérée comme la relation humaine la plus cruciale du monde entier.

De plus il y a d’autres relations nourrissantes dans le clan : les femmes dans les matriarcats sont en relations avec les autres femmes du village, elles ont des amitiés profondes ou de camaraderie, elles travaillent ensemble en groupe dans les champs des autres et préparent les fêtes. Dans ces sociétés, les femmes apprécient beaucoup la compagnie d’autres femmes (contrairement à beaucoup des femmes en Occident). Elles s’amusent ensemble, profitent de la proximité de leur communauté et parlent de la politique du village et de la région.

J’espère avoir pu donner une idée de la richesse de la vie d’une femme dans les structures des sociétés matriarcales. Les femmes sont très respectées. Elles ne font qu’être libres pour être elles-mêmes (le concept de « Xwebûn » kurde nous vient en mémoire)), libres de développer tout leur potentiel pour une vie belle, pour elles, leurs enfants, leur famille et la société.

Et tout cela s’applique aux hommes de la même façon, ils sont libres de développer leur potentiel, libres d’être eux mêmes. Ils sont les oncles, frères, amants et enfants chers des femmes. Ils ne sont pas considérés moins importants. Ils ne sont pas opprimés (comme les femmes dans le patriarcat), on les voit simplement comme étant différents et égaux à la fois.

Je citerai HGA sur ce sujet :

« Les deux faces de la société, l’humanité est composée de deux visages, les hommes et les femmes. Toutes les sociétés matriarcales traditionnelles ont tenu compte de ce fait de base, puisqu’elles maintiennent un ordre social dans l’égalité de genre complémentaire et l’équilibre parfait entre les deux sexes. Une société matriarcale moderne s’établira aussi de cette façon. Cela signifie que dans tous les domaines de la société les hommes et les femmes seront représentées à égalité. Dans la politique matriarcale, il y a toujours une femme et un homme ensemble, comme portes-parole élues du clan, représentantes pour le monde extérieur. Ceci est aussi vrai au niveau du village, de la ville et de la région  où les portes-parole sont toujours une femme et un homme. Ils agissent ensemble, en représentant le double visage de la société. Et cela est vrai non seulement en politique, mais dans tous les aspects de la société : dans les fonctions économiques, ainsi que dans les offices spirituels, les groupes et les métiers particuliers, comme les artisanes , les techniciennes, les artistes et les scientifiques. Toute apparition publique est représentée simultanément par une femme et un homme, et par conséquent, elle est remplie doublement. »

J’ai toujours cette opinion sur le « genre », à moins que la science de Jinéoloji ne me découvre et ne me montre le contraire.

Heide attire notre attention sur le fait que pendant ces milliers d’années de sociétés centrées sur les femmes il n’y a pas une seule image, symbole, figure qui méprise les hommes.

Je suis personnellement fière de ce phénomène, cela montre encore une fois les hauts principes éthiques des nos ancêtres femmes, leur haut niveau social ( en comparaison avec les formes patriarcales, c’est-à-dire, les hommes faisant constamment la guerre aux femmes).

Pour résumer :

Le clan de la mère est l’unité de base de la société matriarcale, en prenant en charge les besoins émotionnels, sociaux et économiques de tous les membres.

Comme a dit Bernadette Muthien, femme Koi San d’Afrique du Sud : « Moi, j’appartiens, donc j’existe !, à mon clan, à ma communauté. (Comparant cela avec le supposé glorieux « individualisme » occidental et sa proclamation : Je pense, donc je suis ! Ou avec sa triste réalité du : « Je suis seule donc, j’existe » ou « Je consomme donc j’existe »).

Souvent à ce moment du discours sur les matriarcats, arrive la question : Pourquoi presque toutes les sociétés matriarcales ont disparues ? Quand et comment est arrivé le patriarcat (sur nous, les femmes ?) ?

Je vais m’attarder brièvement sur cette question. Il existe beaucoup de théories différentes, le changement a eu lieu à des moments très différents et pour des raisons assez diverses dans chaque société matriarcale. Basiquement, les arguments peuvent être groupésdans deux catégories :

1) Le patriarcat est arrivé suite aux changements à l’intérieur des sociétés matriarcales (Théorie de A. Ocalan, entre autres). Les arguments pour défendre cette théorie du changement interne sont multiples. En voici quelques uns :

-à cause de la reconnaissance de la paternité biologique

-à cause de l’introduction de l’élevage ou à cause de l’accumulation des biens

-les problèmes d’identité des hommes, qui se sentaient insuffisants (des jalousies et des angoisses qui conduisent à un comportement dominant). Ce dernier, présenté par un psychologue, a été mis en question par Christa Mulack en disant : si c’était vrai, honnêtement les hommes devraient être des modèles de santé psychique actuellement, après avoir exercé leur pouvoir sur les femmes pendant des milliers d’années, mais ce n’est pas le cas.

2) un deuxième groupe de scientifiques, comme HGA, présente des raisons externes pour le changement des matriarcats en patriarcats : à savoir, des catastrophes naturelles et/ou la guerre.

Comme elle l’écrit, cela aurait pu se passer comme ça : En l’an 4000 a.C. il y a eu des changements climatiques en Asie Centrale. Le sol, qui était riche, est devenu stérile, privant ainsi les personnes matriarcales de leur base économique (l’agriculture). Elles ont fui dans différentes directions, beaucoup d’elles vers le sud et l’ouest de l’Europe, où elles ont découvert de prospères sociétés agricoles.

Pendant les centaines d’années de fuite et migration vers l’ouest, les femmes des groupes migrants des structures matriarcales à l’origine ont perdu leur base économique (agriculture et élevage d’animaux) et, comme conséquence, leur haut statut dans la communauté. Les hommes ont recommencé à pratiquer la chasse pendant la migration et ils ont gagné ainsi un statut important. Pendant la migration, ils se sont éloignés de plus en plus du système de valeurs matriarcales. Dans ces temps difficiles, les hommes forment un groupe autour d’un homme charismatique qui devient le leader (hiérarchie). Et un beau jour, ils ont peut-être dirigé leurs armes de chasse envers les personnes des cultures matriarcales, qu’ils ont trouvées dans leurs nouveaux lieux d’arrivée.

Ça serait de cette façon que la domination sur le peuple matriarcal serait apparue. Et plus tard, cette domination a été imposée à chaque peuple matriarcal voisin en appliquant la tactique « diviser pour mieux régner ». Et avec les guerres !

Regardez la Bible, l’ancien testament, par exemple, dit HGA, et vous trouverez de toute évidence ce nouveau phénomène de violence de la part des nouveaux gouvernants, de leurs états, et le fonctionnement de leurs nouveaux systèmes d’application contre les populations indigènes maintenant sous leur joug autour de la Mer Méditerranée et du Moyen-Orient.

Je pense que nous ne connaissons que trop bien ce type de scénario à partir de l’histoire de la colonisation de ces derniers siècles. (J’ai plus de détails pour celles qui seraient intéressées).

Et maintenant : Pourquoi nous n’avons rien appris sur cela ? Parce que ce savoir est radical et révolutionnaire ! Pourquoi ? Parce qu’il met en exergue :

-la longue période des sociétés pacifiques, égalitaires et non hiérarchiques organisées autour des principes « maternalistes » et dirigées par les femmes au centre.

-l’histoire de sa chute la plupart du temps violente et causée par les envahisseurs patriarcaux.

Ceci est le défi et le tabou de la science sociale patriarcale, qui durant des milliers d’années a essayé de nous faire croire de toutes ses forces le contraire, c’est-à-dire que :

1) les sociétés patriarcales étaient/sont « éternelles », sans aucune autre alternative.

2) l’homme « par nature » est supérieur à la femme et doit la gouverner.

3) la violence et les guerres sont aussi anciennes que l’humanité.

Heide Göttner-Abendroth, cependant, dans un livre qui sortira cette année, révélera une nouvelle histoire culturelle de l’humanité, qui pour la première fois présentera les contributions créatives de grande qualité culturelle des femmes et leur rendra tribut en parlant sur le Vieux Européen (appelée aussi culture « Danube »), la culture égyptienne et la sumérienne.

Mais, si nous voulons une révolution, nous devons en finir avec le patriarcat : comment pourrait-on faire, par où devrions-nous commencer ? Par restaurer les sociétés matriarcales ?

Cela fait de nombreuses années que Heide Göttner-Abendroth a vu la nécessité de travailler sur ce sujet important et elle a concrétisé ses visions et idées directrices dans le concept de : Politique matriarcale.

Oui, dit-elle, si nous voulons construire une nouvelle génération, de nouveaux genres, et une nouvelle société pacifique, égalitaire, non hiérarchique, nous avons besoin principalement de revenir à la société centrée sur la femme/la mère basée sur les valeurs du maintien de la paix maternel, affectif et égalitaire de la maternité comme règles de comportements pour toutes et tous : les mères, les non mères, les femmes et les hommes à égalité. Et, de plus, le principe de maternité, qui a une origine biologique, doit devenir un modèle qui imprègne tous les niveaux de la société (le niveau social, économique, politique et la vision du monde).

Nous ne pouvons pas revenir en arrière, reconnaît Heide Göttner-Abendroth, nous devons tenir compte des énormes changements dans nos sociétés depuis les temps néolithiques patriarcaux. Pensez seulement à nos technologies que nous n’aimerions pas perdre.

Je ne peux parler que des quelques points de son concept. Le thème central (leitmotiv) par rapport à toutes les fonctions et activités est l’égalité de genre, c’est-à-dire, que les femmes aient la même représentation que les hommes dans toutes sphères de la vie. Et dans toutes les fonctions, il doit y avoir une femme et un homme ensemble  dans tous les postes au service de la communauté (système de corresponsabilité).

Au niveau économique : une économie de subsistance des clans/groupes autonomes avec une agriculture, une communication, un commerce et une technologie développés localement; la régionalisation ; des petits collectifs (pas de grandes industries) ; de la diversité régionale souhaitée ; une monnaie régionale (des coupons), sans argent et sans intérêts.

Prise de décisions politiques : par le principe de consensus matriarcal du clan, du village, de la région ; sans états ou superpouvoirs; ce sont les personnes dans les clans qui prennent les décisions, organisant la vie dans les villages, et des républiques dans les villes : limiter la taille des groupes pour que le principe du consensus puisse fonctionner.

Au niveau spirituel-culturel : refus des religions hiérarchiques, qui ont dégradé le monde, la terre et les femmes ; le monde dans sa totalité est vu comme divin/sacré à nouveau. Personne ne doit « croire » rien du tout (la tolérance matriarcale à sa place) ; La Terre-Mère et Mère-Nature sont divines, on les a en grande estime.

Structures globales : le conseil global des femmes – le conseil global des hommes. La distribution de la richesse financière (depuis la dissolution des états nations) aux communautés de subsistance matriarcales. 50 pour cent des moyens financiers pour les femmes ! Les femmes construisent elles-même leurs propres communautés matriarcales, leurs propres marchés, leurs propres institutions sociales, leurs propres théâtres, leurs propres universités.

Et maintenant je vais évoquer le niveau social de la Politique Matriarcale, c’est-à-dire, les pensées de Heide Göttner-Abendroth sur : comment nous les femmes en Occident pourrions construire des clans matriarcaux à nouveau.

Les Politiques Matriarcales ne sont pas pour le mariage et la petite famille traditionnelle, mais elles proposent des unités plus grandes de clans avec les femmes au centre.

J’ai déjà parlé des clans matrilinéaires dans les matriarcats comme une unité parfaite pour toutes et tous qui appartiennent à une société sans orphelins, sans divorces et sans maisons de retraite. Bien sûr, ici en Occident les parents de 3-4 générations dans la lignée maternelle pourraient aussi former un clan. Dans le patriarcat, il y a eu quelques unités de clans matrilocaux et il en existe encore.

Mais souvent dans les sociétés patriarcales occidentales, les liens de parenté-particulièrement la relation entre les mères et les filles- sont plus ou moins perturbées, parfois même détruites, c’est pour cette raison que pour la majorité des personnes ce type de vie n’est pas attractif. C’est pour cela que Heide Göttner-Abendroth a proposé que les femmes puissent construire un clan social de femmes et d’hommes connectés par un objectif : deux femmes de la communauté plus jeunes avec un enfant ou plusieurs enfants pourraient vivre ensemble et former le noyau du clan. De cette façon, elles pourraient commencer à organiser le soin communautaire des enfants et l’une d’elles pourrait aller travailler en-dehors de la maison et construire une base économique commune. Ensuite elles pourraient demander à un jeune ami (des 2 femmes) d’être leur « frère » et l’oncle pour les enfants, à condition qu’il soit respectueux avec les femmes et qu’il ait un comportement matriarcal, c’est-à-dire, une attitude maternelle (de soin et d’affection) avec les enfants. En plus le groupe établi pourrait demander à une personne de la génération antérieure de vivre avec lui en tant que grand-père ou grand-mère par intention : ça pourrait être la mère ou le père d’un des membres, ou une personne voisine .

Les pères (biologiques) du ou des enfants, ou les amants, ne devraient préférément pas vivre dans le même clan, mais dans un autre clan ou une autre communauté vu le danger d’instabilité de la relations entre amants, les disputes et affrontements si communs dans beaucoup de nos familles nucléaires patriarcales.

Jusqu’ici j’ai parlé de la Politique Matriarcale. Je peux partager d’autres informations si ça vous intéresse.

Dans la dernière partie de ma présentation, j’aimerais rester sur le sujet de l’unité de base de l’organisation sociale, mais au Rojava. On m’a demande en automne de l’année dernière dans un cercle féministe quelle était mon opinion sur la question suivante : L’auto-libération des femmes au Rojava envisage-t-elle une société avec des structures matriarcales en ce qui concerne son niveau social ?

En bref, j’ai répondu: Je ne sais pas, mais j’espère que oui ! Plus en détail : j’ai dû expliquer à l’auditoire, des femmes allemandes, la structure du clan social des matriarcats et, quant au présent et au futur, comment on pourrait former de nouveaux clans en suivant le concept de Heide Göttner-Abendroth des clans matriarcaux intentionnels.

Après je les ai familiarisées avec la situation du peuple kurde, en particulier la situation des femmes au Kurdistan dans le passé et actuellement au Rojava. Je leur ai dit que grâce aux écrits d’ Abdullah Ocalan beaucoup des femmes kurdes, à la différence des femmes européennes, connaissent l’histoire de la liberté des femmes au Néolithique en Mésopotamie il y a 5000 ans, et comment le patriarcat a débuté avec les sumériens, apportant l’esclavage des femmes. Elles savent comment l’Islam a été imposé au peuple kurde au VIIè siècle, ce qui a impliqué une oppression encore plus extrême des femmes par les hommes, la violence, la polygamie, la mutilation génitale féminine, le féminicide. J’ai parlé ensuite sur la libération des femmes du Rojava : la situation actuelle, les réussites des femmes là-bas, les nouvelles lois des femmes qui les protègent, Abdullah Ocalan incitant les femmes à se libérer de la mentalité patriarcale intériorisée et demandant aux hommes de se libérer de leur machisme, car cela est nécessaire pour construire une société véritablement démocratique pour le futur, comment les femmes pour le moment se sont organisées en unités autonomes, différentes de celles des hommes pour développer tout leur potentiel, etc.

Après cela je suis revenu à la question formulée. Je répète : Pensez-vous que l’auto-libération des femmes au Rojava peut conduire à des structures matriarcales comme celles du niveau social de la société que vous avez imaginée ?

J’ai dit : Je pense qu’on ne peut pas répondre encore en ce qui concerne l’unité sociale la plus petite, et néanmoins la plus basique, à savoir : le mariage et la famille. Et je sais que les femmes kurdes qui travaillent à la« Jineolojî », la Science des femmes , vont s’occuper de cette question. Parce qu’elles en ont assez de 5000 ans de définitions d’hommes scientifiques patriarcaux qui modèlent les femmes (qu’est ce que la femme?). Et maintenant elles veulent découvrir elles-mêmes quelle est la véritable nature des femmes. Une de leurs propositions pour toutes les femmes est le concept de « Xwebun »= « être/devenir soi-même ». Découvre qui tu es profondément à l’intérieur de toi. Cela me rappelle le « Connais-toi toi-même », un héritage matriarcal qui a survécu dans notre culture patriarcale européenne jusqu’à nos jours. Avec les découvertes et les idées obtenues de cette science des femmes, elles veulent déterminer le visage et l’esprit de la nouvelle Modernité Démocratique qu’elles sont en train de construire. Quelques citations du feuillet de Jineolojî :

– « La Jineolojî créera la connaissance, le pouvoir et la sagesse des femmes… La Jineolojî observera et nommera la réalité à travers le regard des femmes »

– Et « De la même façon que la société morale et politique s’était organisée autour des femmes il y a des milliers d’années, au XXIè siècle, la Civilisation Démocratique s’organisera autour de la femme illustratrice et organisatrice qui lutte inconditionnellement pour la liberté » (Jineoloji, 2017, p.4243)

Jusqu’ici, ce qui est clair c’est ce qui n’est pas acceptable : le mariage traditionnel est fortement critiqué par Abdullah Ocalan à cause de la prédominance absolue de l’homme. Pour Ocalan, ce type de mariage signifie l’esclavage total de la femme et a été à la base de tous les esclavages postérieurs des êtres humains. Et la raison de cela , dit- il, a été que la femme avait créé et était en train de guider cette société néolithique matriarcale…, et que, par conséquent, il considère qu’une critique de la famille est vitale, et que le mariage et la famille doivent être transformées. Une fois que la femme kurde sera libérée de sa mentalité patriarcale et qu’elle aura dépassé son auto-dévalorisation et son mépris intériorisés, et que l’homme se sera libéré de son attitude et son idée de domination sur la femme, on pourrait obtenir dans la nouvelle Civilisation Démocratique une sorte de relation femme-homme basée sur l’égalité. L’indépendance économique de la femme doit toujours être garantie. (Voir l’édition de l’initiative internationale, 2013. Libérer la vie : La révolution des femmes. Publishers de Mesopotamia.)

Les protagonistes de la Jinéoloji considèrent aussi le mariage comme « le problème le plus important de la vie sociale » en affirmant :

– « Par conséquent, il est nécessaire de questionner fondamentalement la famille et le mariage et de développer de nouvelles normes pour atteindre la démocratie, la liberté et l’égalité entre les deux sexes. Il existe des discussions sur les relations entre les hommes et les femmes dans le mouvement des femmes kurdes, le projet est que les femmes doivent déterminer elles mêmes les normes pour ce nouveau type de relation » (Havin Güneser, Kurdistán-informe Nr. 188, 11/12 de 2016, S. 54)

Par conséquent, en général, je dirais qu’on ne peut pas encore savoir ce qui va arriver aux femmes kurdes, ce pourrait être :

-La liberté pour un mariage avec un homme ou une femme dans l’égalité ?

-Se libérer du mariage (en finir avec le mariage) ?

-La liberté de former des clans en accord avec la matrilinéarité ?

-La formation de clans et de vie communale par intention ?

-Être libre de choisir une de ces formes de vie sociale ?

-Ou encore inventer et expérimenter d’autres formes ?

Actuellement elles sont en train de construire un «  Village des Femmes », « Jinwar » en kurde, dans le canton de Cizire, dont la forme sociale est similaire au clan intentionnel suggéré par Heide Göttner-Abendroth. Dans ce village il y aura des femmes célibataires avec leurs enfants (par exemple des femmes veuves dont les maris ont été assassinés à la guerre ou des femmes qui ne souhaitent pas se marier). Elles vivront ensemble et construiront principalement des structures communales et collectives. A mon avis, il est probable que ce projet réussisse, puisque au Kurdistan malgré les structures clairement patriarcales qui gouvernent, les femmes peuvent maintenir jusqu’à un certain point entre elles une culture qui leur est propre. À la différence des femmes d’Occident, on ne leur a pas lavé le cerveau pour qu’elles soit obligées de trouver l’homme unique et le mari avec qui elles auraient la relation affective unique et souvent exclusive qui devrait satisfaire tous leurs besoins (ou pas). Elles ont vécu dans des groupes familiaux plus grands, souvent dans des villages et connaissent la séparation des sexes dans la vie de tous les jours dictée par l’Islam, ce qui fait qu’elles préservent de multiples relations affectives plus profondes entre elles que ce qui est courant entre les femmes dans les pays occidentaux. Je pense que tout cela pourraitamener à une vie communautaire très réussie dans le Village des Femmes.

Les femmes dans les Unités de protection féminine (YPJ) du Rojava vivaient jusqu’à présent célibataires et elles ont récemment voté pour le maintient du célibat pour l’instant. Parce que, malgré le fait qu’Ocalan et les femmes font un grand effort pour inspirer les hommes à se libérer (de leur machisme), seulement une minorité d’hommes de l’armée est en train de faire ce travail, et c’est la même chose dans la vie civile.

Malheureusement, les femmes occidentales, au moins en Allemagne, malgré les multiples expériences insatisfaisantes avec les femmes, les hommes, les relations et la vie familiale nucléaire, ne peuvent pas offrir aux femmes kurdes des modèles alternatifs de vie communautaire selon les modèles de la politique matriarcale. Il n’en existe presque pas. Par conséquent, je suppose que les femmes du Rojava pourraient aussi nous dépasser sur ce point si on s’en tient à la vigueur qu’elles ont démontré en abordant leurs affaires et points de vue.

Sur ce point, l’autrice étasunienne Meredith Tax, dans son livre A Road Unforseen (Un chemin imprévu, 2017) leur rend cet hommage (femmage) : « Il est clair que le Rojava, même en temps de guerre, pourrait être le meilleur endroit du Moyen Orient pour être femme » .

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