Archéologie des femmes

Connaître notre histoire afin de lutter pour la liberté

Nora Merino, Centro de Jineolojî

[Texte traduit de l’espagnol]
Source originale : https://jineoloji.eu/es/arqueologia-de-la-mujer/

La principale urgence que nous devons aborder n’est pas celle de notre liberté, mais celle de la protection de notre propre existence. Quelle est notre existence en tant que femmes ? Qu’est-ce que la femme ? Qu’est-ce que la vie ? Qu’est-ce que la société ? Si nous considérons l’histoire dans toute son ampleur, pendant 98 % de l’histoire, les femmes ont joué un rôle majeur en tant que génératrices et protectrices de la vie et de la société. Cela ne s’oublie pas facilement dans la mémoire sociale. Aujourd’hui, la relation entre la vie, les femmes et la société reste un phénomène d’influence mutuel des plus marquants.

C’est pourquoi nous devons connaître notre identité historique et sociale. Nous ne sommes pas une « table rase », un simple « ici et maintenant » comme la modernité capitaliste tente de nous le faire croire, à travers son idéologie libérale, qui sépare la société de sa socialisation. Si nous nous demandons ce qu’est la femme, nous trouverons dans la réponse ce qu’est la société.

« Les femmes ne sont pas un phénomène physique mais social, la tâche des sciences est de montrer comme une réalité les aspects de l’identité qui ont été manipulés. Sans éclairer la nature des femmes liée à la nature de la société, aucune lutte ne pourra aboutir. » Rêber Öcalan

Une identité est une intégrité. Nous venons et faisons partie d’une histoire et d’une société, alors prétendre nous connaître en nous séparant d’elles, serait comme prétendre qu’un arbre puisse pouser sans racines. En ce sens, le mot PachaMama, utilisé pour désigner la terre et tous ses êtres vivants en Abya Yala (Amérique latine), est révélateur.

L’un des objectifs de la Jineolojî en observant l’histoire, est de trouver les mensonges répandus sur les femmes et sur la vie dans son ensemble, celles que le système de pouvoir a générées. Les femmes ont toujours été définies de l’extérieur en fonction des intérêts du régime au pouvoir, toujours considérées comme appartenant à quelqu’un d’autre : le père, le mari, le patron, l’État. C’est pourquoi il est urgent de nous définir en tant que femmes. « L’histoire de l’esclavage des femmes n’a pas encore été écrite et l’histoire de la libération attend d’être écrite ». Rêber Öcalan

COMPRENDRE L’HISTOIRE

L’historien français Fernand Braudel estime que la sociologie doit être historisée et l’histoire sociologisée. On ne peut séparer l’une de l’autre, car l’histoire est faite des créations, des luttes, des résistances et des transformations de la société et, à son tour, la société est directement influencée par le temps qui passe, c’est-à-dire par l’histoire.

Braudel a élaboré une théorie du temps qui repose principalement sur ces trois notions :

-Le temps long. Il s’agit des processus longs, où le temps ne semble pas bouger, mais où ce qu’il crée conserve son influence sur le long terme. Par exemple, la révolution néolithique et ses influences jusqu’à nos jours.

-Le temps de moyenne durée. Les mouvements sont visibles, mais lents. Comme dans un changement de régime politique.

-Le temps court. C’est le quotidien, au jour le jour.

En 2008, Rêber Öcalan a présenté la Sociologie de la liberté dans le troisième volume de ses défenses, écrites depuis l’île-prison d’Imrali. Grâce à elle, nous comprenons que l’histoire ne prend pas la forme d’un progrès linéaire, où un empire, puis un État, sont détruits pour en créer un autre. En établissant linéairement les périodes historiques de l’esclavage, ensuite le féodalisme et enfin le capitalisme, l’histoire a été définie et divisée uniquement d’un point de vue économique. Au contraire, l’histoire est un processus continu, cumulatif et vivant dans lequel la nature sociale prend des formes différentes, mais reste essentiellement la même. L’être humain a la capacité éthique de créer des valeurs qui servent la société, qui marquent ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, toujours en relation avec la vie. L’essence de la société est éthique et politique, car elle a la capacité de s’autogouverner et de se défendre. Cette société est la base de la civilisation démocratique, qui n’a jamais cessé d’exister. La base de la sociologie de la liberté réside dans l’étude des moments ou des intervalles de chaos, dans lesquels les possibilités de liberté se multiplient.

Histoire des femmes

Pour comprendre notre histoire en tant que femmes, nous partons de trois périodes principales :

1. La société naturelle (12 000 4 000 av. J.-C.), qui couvre 98 % de l’histoire de l’humanité. Ce que nous appelons la civilisation ne représente que 2 % de la vie humaine sur Terre.

2. La transition vers le patriarcat (4 000 2 000 av. J.-C.)

3. La systématisation et institutionnalisation de la mentalité masculine dominante (2 000 av. J.-C. à nos jours)

Société naturelle

Afin de comprendre les problèmes d’aujourd’hui et de chercher des étapes vers une vie libre, depuis la Jineolojî nous nous tournons vers les premières sociétés humaines, à l’époque de la révolution néolithique (il y a 10 000 ans), que nous appelons la première révolution des femmes, en raison du rôle important qu’elles ont joué à la fois sur le plan matériel et sur le plan spirituel. Nous qualifions ces sociétés de sociétés naturelles parce que l’on y trouve le caractère naturel de l’être humain. Par nature, nous entendons l’essence même et la dynamique de la société. Le système a imposé les couches du capitalisme, du patriarcat et de l’esclavage à la société, mais lorsque nous enlevons toutes ces couches, nous arrivons à l’essence. Nous ne définissons pas la société comme « esclave », « féodale » et « capitaliste », car ce sont des définitions du système de pouvoir. C’est ainsi que le système prend forme et dirige la société. Mais en allant plus loin, nous trouvons les valeurs éthiques et la force politique d’autogouvernement et d’autodéfense des sociétés humaines.

L’étude des sociétés naturelles nous permet de connaître la dynamique sociale, politique et culturelle des femmes et d’approfondir ainsi l’identité des femmes avant le patriarcat. C’est très important pour pouvoir nous identifier correctement aujourd’hui. Nous ne voulons pas dire que les femmes d’aujourd’hui sont les mêmes que celles de la société naturelle, mais l’origine de la société et de l’être humain remonte à une époque où il n’y avait pas de patriarcat, où les femmes se créaient elles-mêmes en apprenant de la nature et où, à partir de ce qu’elles étaient, elles constituaient la société qui les entourait.

La société naturelle peut également être appelée matriarcat. Le sens premier du mot grec arche est « début, origine, commencement ». Matri signifie « les mères ». C’est-à-dire « au commencement les mères », ou « principe maternel ». C’est dans ce sens que nous parlons de matriarcat. Avec le temps, un autre sens d’arche est apparu, signifiant « règle, domination ». C’est l’usage qu’il prend dans le concept de patriarcat.

En tant que Jineolojî, notre principale source d’étude est la région de la Mésopotamie, non seulement parce que la Jineolojî est issue de l’expérience du mouvement kurde, mais aussi parce que la Mésopotamie est le premier endroit où la révolution néolithique a eu lieu et que tout ce qui a été créé alors a eu un impact direct sur l’humanité dans le monde entier. Il est important de comprendre cela lorsque nous donnons des dates et que nous parlons de la révolution néolithique il y a 10 000 ans. Ailleurs, elle s’est produite plus tard dans le temps et est née précisément de l’influence des relations avec les peuples de Mésopotamie.

Les principales caractéristiques de la société naturelle sont les suivantes :

1. La relation primaire est la relation mère-enfant. De même que le système patriarcal est fondé sur le père et que la relation fondamentale qui soutient la mentalité et le système dominants est l’archétype de la relation homme dominant – femme dominée, dans la société naturelle, la base est la mère. Ainsi, la relation primaire qui soutient la vie sociale et la culture est celle de la mère et de ses enfants. Nous pouvons parler d’un paradigme basé sur la femme mère. La relation mère-enfant définit la vision du monde, c’est-à-dire la manière de comprendre la vie et l’univers, et est à son tour le moteur de tout le développement de la culture matérielle et spirituelle. Les êtres humains sont des êtres entièrement sociaux. De même que tous les autres animaux sont capables de marcher et de manger seuls quelques jours après leur naissance, voire quelques heures après, les enfants humains ont besoin d’adultes qui les protègent, les guident et les nourrissent pendant plusieurs années. Sinon, ces enfants ne pourraient jamais atteindre l’âge adulte, ni même la puberté, et ne pourraient pas développer leur force cognitive, leur force émotionnelle et leur intelligence pratique. L’être humain a donc une interdépendance évidente avec le reste des membres de la communauté dont il fait partie, et c’est grâce à cette interdépendance qu’il apprend ce qui est vital pour sa survie, qu’il développe son intelligence analytique et émotionnelle et, en somme, qu’il grandit et qu’il vit. Face à cette réalité de l’interdépendance et du besoin de soins et de protection, dans les communautés humaines celles qui sont les principales responsables de la vie et de la survie de la communauté sont les femmes. C’est-à-dire la mère et toutes les femmes qui l’entourent : sœurs, tantes, grand-mères… Il faut donc comprendre que la maternité est avant tout un rôle social. On le voit très bien au Kurdistan où le mot pour désigner les femmes après un certain âge, en raison de l’expérience de vie que cela implique et du rôle qu’elles jouent dans la société, est yade (mère), que la femme ait accouché ou non. D’autre part, nous voyons comment cette figure sociale de la femme-mère a été la principale créatrice des valeurs, de la culture et de la société, qui se construit autour des femmes. « Je suis la mère de la société et de la révolution », disent les femmes yade du Rojava.

2. Dans la société naturelle, il n’y a pas de hiérarchie, mais il y a une autorité naturelle. La racine étymologique de l’autorité est augere qui signifie « augmenter », « avancer ». L’autorité naturelle est donc un leadership social qui fait grandir la société, dont la nature est basée sur l’expérience, le lien avec la réalité de la société, la connaissance des besoins et des problèmes qu’elle rencontre et la capacité d’y apporter des réponses et des solutions. L’autorité ne doit pas être confondue avec l’autoritarisme. L’autorité naturelle est l’autorité démocratique. Cette autorité naturelle est principalement entre les mains des femmes, précisément en raison du lien étroit entre les femmes et la communauté, les femmes et la vie.

3. L’économie du don. La base de l’économie n’est pas la propriété privée, la spéculation, l’usure et la corruption. En fait, dans le deuxième volume de ses défenses intitulé « Civilisation capitaliste », Rêber Öcalan explique comment le capitalisme est contraire à l’économie, qu’il définit comme un système non pas économique mais de pouvoir. Aujourd’hui, lorsque nous parlons d’économie, nous pensons à l’argent et au capital, au commerce, à la bourse, à la crise. Mais lorsque nous parlons d’économie dans la société naturelle, nous entendons la gestion de la vie. La base de l’économie réside dans l’administration et la distribution des ressources dont on dispose en fonction des besoins. Dans la société naturelle, accumuler ces ressources et garder le surplus était considéré comme contraire à l’éthique. Le surplus était donc partagé entre les membres de la communauté et parfois avec d’autres communautés, principalement par le biais de célébrations. L’économie est donc l’administration matérielle de la communauté et du foyer, qui était évidemment entre les mains des femmes. Le mot économie vient du grec oikos, qui signifie « maison », et nemó, « administrer » ; étymologiquement, il désigne donc aussi « l’administration du foyer ».

« Cela peut paraître étrange, mais, à mon avis, le véritable propriétaire de l’économie est la femme, en dépit de tous les efforts déployés pour la dominer et la coloniser. Si nous voulons soumettre l’économie à une évaluation sociologique significative, nous devons reconnaître que la force de base se trouve chez les femmes, car ce sont elles qui élèvent les enfants, du ventre de leur mère jusqu’à ce qu’ils se tiennent debout, et ce sont également elles qui se chargent de les nourrir« . (Rêber Öcalan)

4. Vision animiste de la nature. Cela signifie que toute la nature est vivante et qu’en tant qu’êtres humains, nous en faisons partie. Nous ne sommes pas détachés de la nature, loin de là, mais il existe une relation de respect et d’amour. La nature détruit et en même temps fournit un abri, permet des sécheresses et en même temps fournit de la nourriture. La nature enseigne et fournit à l’humain tout ce dont il a besoin. En outre, comme nous pouvons encore le constater aujourd’hui dans de nombreuses cultures du monde, et même dans l’identification réalisée par le système énergétique à des fins d’exploitation, la nature et la femme ont toujours été considérées comme synonymes, principalement la mère, qui est identifiée à la nature comme étant la même chose.

5. La culture de la déesse-mère. Nous désignons également les sociétés naturelles par le terme de « sociétés de la culture de la déesse ». Nous comprenons la figure de la déesse comme une reconnaissance de la valeur du rôle des femmes au sein de leurs communautés. La vision du monde de la déesse est liée à la fois au rôle des femmes au sein de la communauté et à leur capacité à donner la vie et à la faire se développer, ressemblant ainsi à la nature. La culture de la déesse n’est pas comme le dieu patriarcal ultérieur, qui sera séparé de l’être humain, mais la déesse, en plus d’être une créatrice, se trouve dans la création. En d’autres termes, la déesse crée la rivière et est en même temps l’eau, la déesse crée les forêts et y vit en même temps.

Outre les noms des déesses, nous trouvons une riche culture matérielle de représentation de ces déesses. Plus de 30 000 figurines ont été retrouvées, les plus anciennes datant de 30 000 ans. Un point intéressant à ce sujet est le fait que l’archéologie, qui a longtemps nié la capacité artistique et créative des femmes, a soutenu que tous ces milliers de représentations avaient été faites par des hommes. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont trouvé aucune preuve physique que cela avait été fait par des femmes. Pour que des femmes l’aient fait, il faut donc qu’il y ait des preuves, et s’il n’y en a pas, c’est qu’il s’agit d’hommes. Telle est la logique. Telle est l’influence et le lien du sexisme dans les sciences sociales lorsqu’il s’agit de connaître et de comprendre l’histoire humaine. Les études réalisées au cours des dernières décennies dans une perspective féministe ont abouti à conclure qu’il est très probable que toutes ces représentations artistiques aient été réalisées par des femmes elles-mêmes. Comme nous pouvons le constater, la plupart de ces figurines n’ont pas de visage, l’importance résidant alors dans le corps qui, outre le fait qu’il symbolise la fertilité, indique également que les femmes se sont sculptées elles-mêmes à travers la vision qu’elles avaient de leur propre corps lorsqu’elles se regardaient de haut et observaient leurs formes.

 

Vénus de Laussel (22 000 – 18 000 av. J.-C.), Grottes de Lascaux

 

Venus de Lespugue (20.000-18.000 a.C.) Pirineos

 

 

 

Vénus de Dolní Věstonice (20 000 av. J.-C.), République tchèque
Statuette de Cybèle (5 750 av. J.-C.), Çatal Hüyük
Sanctuaire des vulves (15 000 – 10 000 av. J.-C.), Asturies

Transition et systématisation du système de domination

Entre 4 000 et 2 000 ans av. J.-C., la transition des sociétés de la culture mère vers le système de domination masculine commence à s’opérer et, à partir de 2 000 ans av. J.-C., celui-ci s’établit et s’impose comme le système principal. L’alliance chasseur-chaman-chef tribal, représentée aujourd’hui par l’armée, l’église et l’État, s’organise et développe une mentalité de pouvoir qui s’impose progressivement à la société, principalement par des attaques systématisées contre les femmes et les valeurs qu’elles ont créées. Il s’agit avant tout du vol de l’économie des femmes, c’est-à-dire du passage d’une économie du don à une propriété privée contrôlée par le père, du contrôle de la sexualité des femmes, qui devient la propriété des hommes pour servir leurs intérêts et leurs désirs, et du développement d’une nouvelle conception idéologique des femmes. Tout processus de colonisation comporte une dimension culturelle. Pour cela, il est nécessaire de créer une nouvelle conception idéologique du sujet à dominer. Et ce sujet à dominer était, en premier lieu, la femme, considérée par Rêber Öcalan comme « la première esclave de l’histoire et la première nation opprimée du monde ». Il est important de bien comprendre cela. Ce n’est pas un hasard si les premières attaques ont visé les femmes, car elles sont l’essence et l’esprit de leur société. Lorsque des ennemis veulent attaquer une communauté ou un peuple, la première chose qu’ils font est de s’attaquer aux femmes, parce qu’en la personne des femmes, c’est la société qui est attaquée. Cela est constaté et se voit à différentes époques de l’histoire et dans différentes parties du monde.

L’archéologie des femmes

Le mot archéologie, étymologiquement, vient du grec archaiologia, composé du préfixe grec archaio, qui signifie « vieux » ou « ancien », de arche, « début », « origine », et du suffixe logia, qui signifie « science » ou « étude ». L’archéologie est donc « l’étude de l’ancien » ou la « science de l’origine ».

Lorsque nous pensons à l’archéologie, la première chose qui nous vient à l’esprit, ce sont les couches délimitées de fouilles dans le sol qui définissent des caractéristiques spécifiques de la culture de l’époque. Une couche ne serait pas possible sans la précédente qui, à son tour, est maintenue dans son antécédente. De la même manière, à travers l’archéologie des femmes, nous sommes comme des archéologues qui, au lieu de fouiller la terre à la recherche de traces du passé, creusons et fouillons les couches de la sociologie et de l’histoire pour voir comment l’identité des femmes a changé et a été définie. Selon les lieux et les époques, cela peut prendre des formes différentes. Si les premières couches de l’archéologie des femmes sont celles de la déesse, cela ne signifie pas que celles-ci n’existent pas aujourd’hui ; en même temps il y a d’autres couches. Garder cela à l’esprit nous permet de trouver dans nos personnalités et nos sociétés la force qui provient des valeurs de la culture maternelle et comment, grâce à elle, nous pouvons créer des personnes libres. L’archéologie des femmes est donc une méthode pour entrer attentivement dans la profondeur de notre histoire.

Le terme « rupture de genre » est lié à l’archéologie des femmes. Nous entendons par là les processus historiques qui ont entraîné un changement radical, au niveau politique, culturel, social et spirituel, dans les relations entre les hommes et les femmes et entre les femmes et la société. Avec l’avancée du patriarcat, de nouvelles caractéristiques de l’identité féminine sont apparues, qui se reflètent dans ce que nous appelons les Régimes de vérité : la mythologie, la religion, la philosophie et la science, que la Jineolojî étudie et analyse comme de grandes sources de connaissance, afin de connaître et de définir l’existence des femmes et de changer ainsi les définitions erronées qui vont à l’encontre de notre propre identité. Si nous ne connaissons pas et ne déchiffrons pas les définitions qui nous sont imposées, nous ne pourrons pas trouver une définition correcte de nous-mêmes. Avec les Régimes de vérité, nous analysons les processus clés qui ont conduit à la consolidation du pouvoir masculin dominant et à l’asservissement des femmes, de la société et de la vie. Avec l’Archéologie des femmes, nous parlons des différentes couches historiques, neuf au total, dans lesquelles nous pouvons voir comment l’identité des femmes a été définie dans le cadre de ruptures de genre. Tant les ruptures de genre que les neuf couches de l’archéologie ne doivent pas être comprises de manière strictement chronologique, où une phase se termine et la suivante commence, ce qui élimine la précédente.

Le terme « rupture de genre » est lié à l’archéologie des femmes. Nous entendons par là les processus historiques qui ont entraîné un changement radical, au niveau politique, culturel, social et spirituel, dans les relations entre les hommes et les femmes et entre les femmes et la société. Avec l’avancée du patriarcat, de nouvelles caractéristiques de l’identité féminine sont imposées, qui se reflètent dans ce que nous appelons les Régimes de vérité : la mythologie, la religion, la philosophie et la science, que la Jineolojî étudie et analyse comme de grandes sources de connaissance, afin de connaître et de définir l’existence des femmes et de changer ainsi les définitions erronées qui vont à l’encontre de notre propre identité. Si nous ne connaissons pas et ne déchiffrons pas les définitions qui nous sont imposées, nous ne pourrons pas trouver une définition correcte de nous-mêmes. Avec les Régimes de vérité, nous analysons les processus clés qui ont conduit à la consolidation du pouvoir masculin dominant et à l’asservissement des femmes, de la société et de la vie. Avec l’archéologie des femmes, nous parlons des différentes couches historiques, neuf au total, dans lesquelles nous pouvons voir comment l’identité des femmes a été définie dans le cadre des ruptures de genre. Tant les ruptures de genre que les neuf couches de l’archéologie ne doivent pas être comprises de manière strictement chronologique, où une phase se termine et la suivante commence en éliminant la première.

Le fait que, globalement, le Régime de vérité dominant soit celui de la science ne signifie pas que la philosophie, la religion ou la mythologie aient été éliminées de l’explication du monde.

En partant des profondeurs de la spirale de l’histoire, les trois premières couches que nous définissons comme la culture de la déesse-mère sont représentées avant tout par la mythologie :

1. La déesse-mère est au sommet de la force créatrice.

Elle commence au paléolithique et se systématise au néolithique. Entre 6 000 et 4 000 ans av. J.-C., cette culture atteint son apogée en Haute-Mésopotamie. La déesse crée et détruit, car la vie est ainsi faite de telle sorte que la mort fait partie du cycle de la vie. C’est l’identité d’une femme qui exerce un leadership social.

La déesse Nînhursag est une déesse mésopotamienne de cette couche. Nînhursag signifie « déesse des montagnes ». Nous pouvons également citer l’exemple de la déesse Mari dans la mythologie basque. La déesse Mari est liée au paléolithique parce qu’elle vit dans des grottes, où l’homme a passé une grande partie de sa vie au paléolithique et qui symbolisent à leur tour l’utérus de la terre. Mari est une déesse de « parthénogenèse », c’est-à-dire qu’elle donne la vie par elle-même. En d’autres termes, la femme est la principale source de création et de vie.

 

Ninhursag

 

Mari

2. Équilibre entre les déesses et les dieux. Prédominant entre 4 000 et 2 000 av. J.-C.

Au niveau mythologique, il existe un équilibre entre les dieux et les déesses. Auparavant, il n’y avait pas de dieux masculins. Ces premiers dieux sont d’abord subordonnés à la force de la déesse, et apparaissent comme ses enfants ou ses compagnons. Le plus souvent, ils représentent en fait la propre énergie masculine de la déesse. Prenons à nouveau l’exemple de la mythologie basque, où l’on trouve la figure de Sugaar. le compagnon de Mari et, en même temps, c’est l’énergie masculine de Mari qui prend forme.

Dans cette couche, il y a une force égale entre la femme et l’homme dans la mythologie. Il existe également ce que l’on appelle les Hieros Gamos, qui sont des unions mythologiques entre un dieu et une déesse. Ces unions expliquent souvent la rencontre entre des peuples à la culture plus patriarcale, où le dieu principal du panthéon mythologique est un dieu masculin, et des peuples à la culture matriarcale. Nous voyons également apparaître les premiers conflits entre les déesses et les dieux, les attaques des dieux et la résistance des déesses. La mythologie est une forme narrative utilisée par l’être humain pour exprimer la réalité sociale en cours et les changements qui en découlent. Les conflits entre dieux et déesses sont donc l’expression de ce qui se passe, d’une culture patriarcale qui tente de s’imposer et d’une culture matriarcale qui tente de résister. Inanna et Enki en sont un exemple : le dieu Enki dérobe à la déesse Inanna les 104 Me qui représentent les valeurs matérielles et spirituelles que les femmes ont créées pour la société.

Les couples de déesses et de dieux les plus connus sont les suivants : Inanna-Enki, Ishtar-Dumuzi, Astarte-Baal, Hepat-Hepate, Cybèle-Atis, Isis-Osiris, Aphrodite-Adonis, Tiamat-Apsu.

 

Cybèle – Atis
Enki – Inanna
Ishtar-Dumuzi

 

Les images de déesses tenant leurs enfants dans leurs bras sont également représentatives de cette couche. C’est une représentation que l’on retrouvera dans les couches suivantes.

Déesse hindoue

 

Arinnitti – Déesse hittite
Isis et Osiris – Déesse égyptienne

 

Bien que les déesses de cette époque ne soient pas aussi puissantes que les déesses précédentes, elles représentent toujours l’identité des femmes. Voici quelques exemples de ces déesses : Mithra (déesse aryenne), Anahita (déesse perse), Gula (déesse assyrienne), Cybèle (déesse de l’Anatolie et de la Méditerranée). La déesse la plus importante de cette période est Inanna-Ishtar. Inanna est la protectrice de la cité-État d’Uruk. Déesse de l’amour, de la fertilité, de la beauté, de la guerre et de la sexualité.

Innana-Ishtar

3. Le meurtre de la déesse.

Dans l’Enuma Elish, daté de 2 000 ans av. J.-C., les Babyloniens expliquent l’origine du monde par le meurtre de Tiamat par Marduk. D’une part, cela pose les bases du monothéisme, puisque le dieu Marduk, avant de tuer Tiamat, demande aux autres dieux de le reconnaître comme « roi des dieux », ce qui est accepté. D’autre part, le meurtre de Tiamat est le premier féminicide mythologique, et c’est aussi un matricide. Il s’agit d’assassiner les valeurs de la culture maternelle et de tuer le lien avec les origines et la société naturelle. Marduk attaque Tiamat en trois points : la tête (l’intelligence des femmes), le cœur (l’émotion des femmes) et le bas-ventre (l’utérus des femmes, la sexualité et la capacité de reproduction).

On retrouve des similitudes avec l’histoire de Tiamat dans la mythologie grecque. Les Euménides constituent le troisième volet d’une trilogie écrite par le poète tragique Eschyle (425-455 av. J.-C.). Le personnage d’Oreste assassine sa mère, Clytemnestre, pour venger son père. Après cela, Oreste s’enfuit, poursuivi par les Furies, trois femmes de la mythologie grecque qui symbolisent « le primitif ». Mais qu’est-ce que le primitif ? Les Furies sont liées à la société naturelle. Elles poursuivent Oreste parce que les furies sont les protectrices de la mère et qu’Oreste a commis un matricide. Oreste demande de l’aide au dieu Apollon, qui l’envoie au temple d’Athéna. Athéna organise un procès auquel participent les citoyens grecs, ce qui signifie que tous les participants sont des hommes, car dans la Grèce antique, les citoyens n’étaient que quelques hommes. Lors du procès, qui serait le premier procès oral de l’histoire, Apollon vote en faveur d’Oreste et déclare : « La mère n’est pas la génitrice de l’enfant, elle n’est que la nourrice de la graine qui est semée en elle. C’est celui qui la féconde qui l’engendre… ». Lors du procès, il y a égalité entre les coupables et les innocents. Athéna est chargée de rompre l’égalité et dit ceci : « Je suis, sans réserve, du côté de mon père ».

 

Şahmaran

 

Şahmaran est une déesse serpent de la mythologie kurde qui est tuée par un roi, c’est-à-dire par la domination. Avant d’être tuée, elle transmet tout son savoir à un autre homme, qui n’est pas lié à la domination mais à Şahmaran. En fait, elle est tuée pour obtenir son savoir. La figure du serpent est également intéressante. Dans les mythologies du monde entier, le serpent représente d’abord la déesse elle-même ou, dans certains cas, son assistante. Avec la transition et la systématisation du système de l’homme dominant, le serpent est diabolisé et tué, de même que le dragon, même symbole que le serpent. En fait, la déesse Tiamat était elle-même un dragon.

C’est également dans cette troisième couche que les fondements de la culture du viol sont posés. Le viol est déjà présent dans la mythologie mésopotamienne, mais il atteint son point culminant dans la mythologie grecque. C’est principalement Zeus celui qui viole les femmes, les nymphes et les déesses, et ce de toutes les manières possibles, en se faisant passer pour un taureau, un cygne, une pluie… Nous voulons donner l’exemple de Méduse. Encore les serpents ! De nos jours, la figure de Méduse est connue pour sa monstruosité et sa chevelure faite de serpents, mais Méduse n’a pas toujours été ainsi. Méduse était une jeune et belle prêtresse du temple d’Athéna qui avait une grande crinière, symbole de sa force. Méduse est violée par le dieu Poséidon dans le temple d’Athéna, et Athéna, furieuse de ce qu’elle considère comme une offense à son temple, punit Méduse en la transformant en un monstre avec des serpents sur la tête et capable de transformer en pierre quiconque la regarde dans les yeux. Méduse est ensuite tuée par Persée manipulé par un homme qui tente de l’éloigner de sa mère et le convainc d’assassiner et d’apporter la tête de Méduse comme trophée. Cela fait partie, en plus de la culture du viol, de l’inimitié entre les femmes que la civilisation patriarcale va encourager, où Athéna, qui représente la femme alliée à la mentalité de l’homme, attaque une autre femme après qu’elle ait été violée.

4. La diabolisation des femmes. Lilith

Après la fin de la religion des déesses, deux entités féminines principales ont été créées. La première de ces identités est Lilith ; elle apparaît pour la première fois dans l’épopée de Gilgamesh, en tant que souveraine de la nuit et du monde souterrain. Dans les mythologies de Sumer, de Babylone et de Perse, on croyait qu’elle était une femme vampire. Dans la religion judéo-chrétienne, elle est la première femme, créée en même temps qu’Adam et dans les mêmes conditions. Adam et Lilith, puis Ève, sont créés par Dieu. Jusque-là, c’était la déesse qui créait, mais avec la religion monothéiste, la capacité de création des femmes est retirée et c’est Dieu qui crée lui-même la vie. Lilith n’accepte pas d’être soumise aux ordres et aux désirs d’Adam et se rebelle. C’est pourquoi elle est expulsée du paradis. Elle est diabolisée, accusée d’avoir des relations avec le diable et représente même le diable lui-même. Lilith devient le prototype de la « mauvaise femme » créée par la mentalité patriarcale, car Lilith représente la femme qui ne se soumet pas. Lilith n’est pas une déesse, c’est une humaine, mais elle s’inscrit dans la lignée de la culture de la déesse qui résiste et se maintient malgré les attaques et les efforts du patriarcat pour la soumettre et la faire disparaître. Lilith est d’ailleurs représentée avec le serpent, ce qui montre à nouveau la relation entre la femme et le serpent et la diabolisation de l’un et de l’autre. En effet, étymologiquement, le mot diable vient du sanskrit (base des langues indo-européennes) devi, qui signifie « déesse ».

 

Lilith

5. Ève

Après la rébellion de Lilith, Dieu crée Ève à partir d’une côte d’Adam : elle est créée dans la subordination à l’homme. Eve représente la femme soumise et privée de sa force. Malgré cela, Ève continue à montrer la quête de savoir des femmes. Malgré l’ordre de Dieu, Eve mange la pomme, afin de connaître et de se connaître elle-même. La femme devient, non plus la créatrice de la vie, mais la raison des maux du monde. D’ailleurs, celui qui donne la pomme à Eve est le diable, représenté par un serpent, qui est en fait Lilith. Cette histoire est similaire à celle de Pandore dans la mythologie grecque. Pandore est également la première femme de la mythologie grecque, créée pour manipuler Prométhée. Prométhée est un titan, qui est un être chtonien, c’est-à-dire qu’il a une partie humaine et une partie terrestre, puisqu’il est directement issu de Gaïa, la terre. Prométhée est donc un homme lié à la culture mère. Pandore est également responsable des méfaits de la curiosité et de la quête de connaissances par lesquelles elle ouvre la fameuse boîte de Pandore et propage ainsi les maux de l’humanité. Comme le disait Hérodote, le premier historien grec, « la raison de toutes les guerres et de tous les conflits, c’est la femme ».

Lorsqu’Ève mange la pomme interdite, l’être humain est expulsé du paradis et condamné à une vie de souffrance, et les femmes sont considérées comme « le péché originel ». La quête de connaissance des femmes est désormais punie, comme dans l’histoire de la femme de Lot (elle n’a pas de nom) qui est transformée en statue de sel lorsqu’elle se retourne pour regarder la ville de Sodome être détruite alors qu’elle s’enfuit.

 

Adam et Eve mangent la pomme offerte par Lilith

Dans cette couche, nous voyons la fragmentation de l’identité des femmes et l’inimitié qui est générée entre elles. Nous voyons la fragmentation de l’identité des femmes précisément dans le cas de Lilith et Eve, où Lilith est vue comme une femme fatale, qui conserve sa force et sa sexualité, et Eve, la femme qui doit se soumettre à la volonté de l’homme, à qui elle est inférieure. Un autre exemple, dans la mythologie mésopotamienne, est celui d’Inanna et d’Ereshkigal. Inanna et Ereshkigal sont sœurs, Ereshkigal est la reine du monde souterrain. Il existe une histoire mythologique connue sous le nom de « descente d’Innana », dans laquelle Inanna descend dans le monde souterrain et rencontre Ereshkigal. Elles deviennent ennemies et s’affrontent. Alors qu’Inanna est aux Enfers, Ereshkigal envoie une femme pour séduire le compagnon d’Inanna. L’envie et la jalousie s’installent entre les deux femmes et la femme est battue et tuée par la femme elle-même.

C’est dans la mythologie grecque que l’on voit le plus clairement Athéna. Athéna naît du front de Zeus, après que celui-ci a englouti la déesse Métis enceinte. Athéna naît à l’âge adulte de l’esprit et de la raison d’un homme, et non d’une femme. Elle est la fille préférée de Zeus et représente l’alliance de la femme et de l’homme. Elle symbolise la rupture de la femme avec elle-même et sa collaboration avec la pensée et le système de l’homme. Athéna est un produit de la raison masculine.

D’autre part, nous trouvons Héra. Héra est la principale épouse de Zeus. Comme nous le savons, Zeus a commis un certain nombre de violations. La réaction d’Héra à ces viols est la jalousie et la punition des femmes violées, les faisant disparaître ou les transformant en buissons, entre autres, toujours en inimitié avec les femmes. La relation entre Héra et Zeus est toujours très houleuse. Il faut aussi comprendre d’où vient ce mariage. Dans la mythologie, Héra est la sœur de Zeus. Zeus essaie constamment de la convaincre de l’épouser, mais Héra refuse toujours. Jusqu’à ce que Zeus, transformé en oiseau, s’approche d’Héra et la viole. Face à la honte du viol et à l’opprobre social, Héra accepte finalement d’épouser Zeus. On pense que le mariage d’Héra et de Zeus est un exemple de Hieros Gamos pour la rencontre d’une culture patriarcale avec une culture matriarcale, puisque la déesse Héra existait déjà sur l’île de Crète, une culture matriarcale, avant l’arrivée des Grecs. Le mariage houleux peut être interprété comme un choc culturel entre le patriarcat et le matriarcat.

 

Athéna

7. La ferveur de la résistance : femmes, reines et leaders

Cette couche est composée de femmes fortes dont les noms seront connus dans l’histoire. Il s’agit de femmes qui ont fait preuve d’un grand leadership et d’une grande force politique. Par exemple, Néfertiti (1 370-1 330 av. J.-C.) a été la première femme pharaon. Elle a changé les lois pour que les femmes puissent être pharaons. Néfertiti aurait été une princesse mitanienne originaire de la région de Serêkaniyê, dans l’actuel Rojava. Zénobie également, qui fut reine de Palmyre (en Syrie) de 267 à 272 après la mort de son mari. Elle a mené une grande confrontation contre l’Empire romain pendant son règne. Les Amazones sont également présentes dans la mythologie grecque et sont associées à l’Anatolie et aux régions de la mer Noire. Les voyages commerciaux qui leur ont permis de découvrir d’autres régions les ont certainement amenés à rencontrer des villages où la société naturelle était maintenue et à constater le rôle important et la force des femmes dans ces villages, ce qui a donné naissance à un mythe. On dit que les Amazones étaient des femmes courageuses et guerrières. Les Amazones sont ainsi nommées parce que, pendant la colonisation, les colons ont rencontré des femmes courageuses et guerrières qui se battaient avec leurs arcs. Pour les colons, la référence à cela se trouvait dans la mythologie des Amazones et c’est pourquoi ils lui ont donné ce nom. Les femmes qui ont joué un rôle de premier plan dans les soulèvements de leurs villages sont également incluses dans cette couche.

 

Néfertiti

 

Zenobie

 

Amazones

 

8. Les femmes dans les religions monothéistes

Dans les religions monothéistes, d’une part, nous constatons que les femmes sont soumises aux hommes et que leur rôle cesse d’être social et public pour devenir un rôle exclusivement familial. Dans les trois grands livres, nous trouvons également toutes sortes d’attaques et de violations à l’encontre des femmes. L’oppression des femmes en vient à être considérée comme faisant partie du destin, du mandat de Dieu. Mais même ainsi, en suivant la ligne de résistance, nous trouvons de nombreux exemples de femmes qui ont résisté, qui ont été considérées comme des saintes et même des prophètes. Cependant, beaucoup d’entre elles ont été la sœur de, la mère de ou l’épouse de. Comme Myriam, la sœur de Moïse, Sarah, l’épouse d’Abraham, la Vierge Marie elle-même, mère de Jésus, Khadija et Aîcha, les épouses de Mahomet, ou Marie-Madeleine. Le rôle qu’elles ont joué n’a pas été reconnu dans l’histoire. Mais, par exemple, dans le Talmud juif, on explique que Sarah est la seule femme avec laquelle Dieu a communiqué directement et dont on affirme qu’elle était spirituellement supérieure à Abraham. Myriam est également la première femme décrite comme prophète dans l’Ancien Testament. Ce que l’on sait de Khatija, la première épouse de Mahomet, c’est qu’elle était une femme très sage, avec beaucoup de connaissances et beaucoup d’expérience, et qu’elle a eu beaucoup d’influence sur Mahomet dans le développement de l’Islam. Elle était plus âgée que Mahomet et jusqu’à sa mort, Mahomet n’a pas épousé une autre femme, bien qu’il y soit autorisé. L’image de Marie-Madeleine est également importante. Elle a toujours été décrite comme la pécheresse qui, grâce à Jésus, s’est fait enlever ses démons. Mais lorsque nous en apprenons davantage sur son histoire, nous voyons le rôle important que sa relation avec Jésus a joué dans les débuts du christianisme. Marie-Madeleine est la femme la plus mentionnée dans l’Évangile, elle a donc dû être très importante pour les premiers chrétiens, et surtout avoir un leadership parmi les femmes.

On voit aussi comment, malgré les tentatives, l’héritage de la déesse n’a pas été effacé. Souvent, les femmes définies comme vierges ou saintes sont en réalité une continuation de la déesse et à qui est tenté d’enlever la force. Même si leur nom de déesse est supprimé, ils conservent un héritage. Parce qu’avant l’imposition des religions monothéistes, comme le catholicisme, une culture des femmes existait depuis des milliers et des milliers d’années, et elle reste indélébile dans la mémoire sociale. Par conséquent, ils modifient le contenu et le nom, mais ils ne peuvent pas l’éliminer complètement.

La Vierge de la Fuensanta de Murcie. L’eau est un symbole de vie et de création. On voit aussi qu’elle a l’enfant dans ses bras et le symbole du croissant, comme on l’a vu précédemment dans l’Isis égyptienne :

 

Vierge de la Fuensanta, Murcia

 

La Vierge de la Fuensanta à Cordoue et la Vierge de la Mer à Almeria. Là encore, le même symbolisme apparaît :

 

Vierge de la Fuensanta, à Cordoue et Vierge de la Mer, à Almeria.

 

Tonantzin, une ancienne déesse aztèque du Mexique qui, malgré les attaques, n’a pu être éliminée et la Vierge de Guadalupe a été créée à sa place :

A gauche Tonantzin, à droite la Vierge de Guadalupe

 

Vierge de Potosí, Bolivie, qui est elle-même une montagne :

 

Vierge de Potosi, Bolivie

 

Images de la déesse Tanit du peuple Gaucho. Avec l’imposition du catholicisme, elle devient la Vierge de la Candelaria. On retrouve ici tout le symbolisme du culte de la déesse mère :

 

À gauche, des images de la déesse Tanit du peuple Gauche. À droite, la Vierge de la Candelaria.

Isis allaitant Osiris et la Vierge Marie allaitant Jésus :

 

À gauche, la Vierge Marie et l’enfant Jésus. À droite, Isis et Osiris.

 

La Moreneta, patronne de la Catalogne. Elle apparaît assise avec son enfant dans les bras, comme nous l’avons vu dans les images des déesses mésopotamiennes, et dans ses mains ce que certains mythes appellent l’œuf cosmique, symbole du monde. L’image de l’œuf que nous voyons dans les célébrations telles que Pâques est un symbole de fertilité et de vie :

La Moreneta, Catalogne

 

Toutes n’ont pas été reconnues pour leur rôle important, et souvent leur caractère a été manipulé pour répondre aux intérêts du pouvoir religieux et de l’État. C’est le cas de la Vierge Marie, qui devient simplement « mère de » et, en fait, la sainte trinité, qui était à l’origine le père, la mère et le fils, devient le père, le fils et le Saint-Esprit. Ou encore Aïcha, l’une des épouses du prophète Mahomet, qui a joué un rôle très important dans la construction et le développement de l’islam, mais qui n’a pas été reconnue pour cela, allant même jusqu’à dire : « Au lieu d’une femme, vous auriez pu faire de moi une pierre ».

9. La femme-objet

Les « sorcières » ont maintenu l’identité des femmes libres, le savoir et la sagesse que les femmes avaient créés et protégés pendant des milliers d’années, et ont été l’héritage vivant de la société naturelle en Europe. Le Maleus Malificarum était la base juridique et politique sur laquelle toute la chasse aux sorcières a été menée. Ce phénomène est indissociable du développement de la modernité capitaliste. Cette neuvième couche s’appuie sur les huit précédentes, et c’est ce qui la rend si forte. Rêber Öcalan dit que « l’histoire de la civilisation est l’histoire de la perte des femmes ». Simon de Beauvoir nous dit également que « l’histoire de la femme est faite par l’homme ».

Dans cette neuvième couche, la femme est l’esclave du travail domestique et, à son tour, l’esclave du capitalisme, un outil capitaliste de création de main-d’œuvre, une travailleuse sans valeur et un objet sexuel. Toute l’industrie pornographique se développe et la sexualisation pénètre tous les domaines de la société, au nom de la liberté. Les femmes deviennent un objet d’attraction et de consommation.

La science positiviste s’impose. Elle s’est développée en même temps qu’elle renforçait le racisme et le sexisme.

 

Les écoles/usines nazies destinées à créer des femmes aryennes, avec toute l’idéologie qui leur a été inculquée, la femme étant le continuateur de la race et du fascisme.
Expériences sur des femmes esclaves sans les anesthésier, au nom de la science et de la connaissance, pour en savoir plus sur le corps des femmes.

 

Les camps de concentration nazis où les femmes juives et les femmes « rouges » étaient stérilisées, ce qui a également été le cas pour les femmes autochtones d’Abya Yala.

 

21e siècle : le siècle de la libération des femmes

Il est nécessaire de connaître l’histoire de la domination, mais toujours en mettant l’accent sur l’histoire de la résistance. Il est important de savoir comment nous avons été attaquées et comment notre identité a été manipulée, afin de pouvoir lutter contre cela. Pour cette lutte, nous tirons notre force de la ligne des femmes dans la construction de notre XWEBÛN, c’est-à-dire devenir et exister sur la base de notre histoire et de notre société. En nous connectant à notre histoire, à notre force et à notre savoir, nous pourrons développer notre autodéfense. L’histoire est une chose vivante et cumulative qui fait partie de nous, comme nous faisons partie de l’histoire. L’histoire n’est pas quelque chose qui appartient au passé et qui demande de se tourner, mais quelque chose qui se produit et dont nous tirons des enseignements. Lorsque nous examinons cette histoire vivante et en mouvement, nous nous rendons compte que le caractère du 21è siècle est la lutte pour la libération des femmes. Cette lutte, dans toutes les régions du monde, s’est développée et a résisté pendant des siècles, et elle est maintenant prête à devenir la lutte qui mènera la révolution sociale de l’humanité. Construisons le 21è siècle comme le siècle de la libération des femmes et des peuples. Plus qu’un slogan, « Femme, Vie, Liberté » est une détermination, un positionnement et une perspective idéologique qui devient un cadre de compréhension et de lutte pour les femmes du monde entier.

 

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