Défendre la révolution contre la manipulation
La politique du système colonialiste, qui consiste à ignorer la révolution des femmes et à présenter les méthodes libérales comme des solutions, est compréhensible. En effet, le colonialisme ne veut pas d’une société où les femmes vivent librement.
Elif Kaya
01/01/2025
L’évolution de la situation en Syrie au cours du mois dernier donne le tournis. Il est difficile de suivre qui est associé à qui. Le terroriste d’hier se transforme soudain en « héros » en costume-cravate, conformément à la vision occidentale. Depuis les déclarations de camaraderie des représentants de l’ONU aux chefs des services de renseignement, des ministres des affaires étrangères aux présidents aux regards envieux, poignées de main et vues aériennes fières et triomphantes de Damas la nuit, c’est comme si deux tourtereaux s’étaient retrouvés.
Les États qui s’efforcent de façonner la région en fonction d’intérêts coloniaux, en collaboration avec les grands médias, s’efforcent de créer un héros populaire « moderne » à partir des « terroristes » qui, hier encore, vendaient des femmes comme esclaves sur les marchés et mettaient en œuvre des politiques de massacres brutaux. Pendant ce temps, des personnes continuent d’être massacrées en raison de leurs croyances, de leur genre et de leur appartenance ethnique. Au lieu de regarder en face les événements qui se sont déroulés pour redessiner la Syrie et tenter de résoudre ses problèmes à la racine, les efforts se concentrent sur la création d’illusions pour effacer le passé et « nettoyer » la mémoire collective.
Bien que de nombreux pays de l’UE aient reconnu le massacre de la communauté Yézidie par DAESH en 2014 comme un génocide, les responsables n’ont toujours pas été jugés, les puissances à l’origine de ces actes n’ont toujours pas été démasquées et les indemnités pour les pertes matérielles et morales n’ont toujours pas été payées. Par conséquent, le génocide des Yézidis se poursuit. Parce qu’il n’y a pas eu de confrontation ni de comptes à rendre, les auteurs du génocide sont aujourd’hui transformés en héros. Ce sont des membres de la même famille, des complices des mêmes crimes. Certains d’entre eux sont détenus dans des prisons du Rojava sans procès depuis des années, tandis que d’autres sont evalués à Damas pour leur compatibilité avec les puissances occidentales. Il paraît que les femmes peuvent désormais prendre des photos non voilées à Damas, poursuivre des études si elles le souhaitent, et il y a même une femme ministre chargée des femmes. Le Père Noël est venu à Damas, Noël a été déclaré jour férié… Que demander de plus ?
Mais il n’y a pas si longtemps – à peine 8 ou 9 ans – les personnes auxquelles on rend aujourd’hui hommage vendaient des femmes sur les marchés aux esclaves de cette région. Les personnes de confessions et de cultures différentes qui ne souhaitaient pas vivre sous le régime de la charia (loi islamique) ont été brutalement assassinées. En effet, l’idéologie djihadiste considère les différences comme des motifs de haine et considère leur élimination comme l’objectif de la lutte. Il ne s’agit pas d’un problème qui peut être résolu en changeant la tenue vestimentaire d’une personne ; il s’agit d’une question d’idéologie et d’état d’esprit. Admettons que quelque chose ait changé. Mais comment les femmes, qui vivent dans un endroit où une journaliste de CNN doit se couvrir les cheveux pour mener une interview, peuvent-elles avoir la chance d’être libres ? Oubliez la participation politique organisée ou le droit d’élire et d’être élu ; les femmes ne peuvent même pas marcher dans la rue sans un accompagnant masculin.
Les médias dominants cherchent toutefois à inverser cette réalité par des approches qui mettent l’accent sur les revendications libérales. Ils ignorent presque totalement la révolution des femmes du Rojava, qui a inspiré le monde et transformé un désert en oasis. Le système confédéral démocratique mis en place au Rojava est un exemple tangible de la manière de construire des relations sociétales fondées sur la liberté, non seulement pour le peuple kurde, mais aussi pour la Syrie dans son ensemble. Arabes, Arméniens, Turkmènes, Assyriens, Kurdes, Alaouites, Yazidis, Sunnites, Chrétiens et Musulmans ont développé le meilleur exemple de vie dans la dignité, ensemble. Au sein de la révolution du Rojava, la révolution des femmes a également tracé les voies et moyens d’une participation libre des femmes à la vie de la société. Ici, les femmes ont forgé un nouveau contrat social avec la société, fondé sur la liberté. Elles ont saisi l’opportunité de vivre dans la dignité et l’honneur avec leurs propres identités ethniques et religieuses, et ont conçu des moyens de surmonter les formes d’oppression que les femmes subissent du fait d’être des femmes.
L’une des organisations est la Communauté des femmes de Zenubiya, formée par des femmes arabes. Ces femmes arabes, comme d’autres femmes de la région, se sont organisées sur une base authentique et autonome pour la première fois, s’emparant du droit de participer à tous les aspects de la vie, de la prise de décision à la mise en œuvre. Cependant, lorsque l’État turc et ses mandataires ont occupé Manbij, ils ont délibérément ciblé et assassiné trois dirigeantes de la communauté des femmes de Zenubiya : Kamar El-Soud, Ayşe Abdulkadir et İman. La mentalité qui tue les femmes est la même que celle qui les vend comme esclaves sur les marchés, car ceux [qui ont cette mentalité] sont des ennemis de la diversité et des femmes. Les viols récents de deux jeunes filles à Manbij sont également liés à cette mentalité. C’est pour cette raison que les personnes et les femmes qui ont connu la vie digne s’élèvent contre ces groupes.
En bref, les politiques du système colonialiste, qui consistent à ignorer la révolution des femmes et à présenter les méthodes libérales comme des solutions, sont compréhensibles. En effet, le colonialisme ne veut pas d’une société où les femmes vivent librement. C’est pourquoi celles et ceux qui recherchent une vie libre, démocratique et communautaire doivent défendre encore plus le Rojava et la révolution des femmes. Défendre le Rojava, c’est faire vivre l’utopie, c’est permettre la diffusion de la révolution des femmes.
Source : Medya news : https://medyanews.net/standing-up-for-revolution-against-manipulation/